10 mots à l’endroit et à l’envers
Complètement décalé de mon retour d’Australie, je n’ai pas voulu divulgâcher nos partenaires du fabuleux contrat de 500 000 € signé entre la ville de Sydney et nous concernant la livraison d’ici le 30 juin 2022 de 150 000 sous-marins jouets. Mes chefs croyaient m’envoyer au casse-pipe, tu parles ! Je les ai bien eus, j’ai signé ! J’en étais moi-même tout ébaubi ! Quel résultat époustouflant ! Vous vous estes bien joué et farcé de moi, comme dirait Louis XI et aujourd’hui je vous dis » rira bien qui rira le dernier, hé, hé » !
Kaï Kaï Kaï ! Je me suis pincé pour me réveiller, mais, non, je ne rêve pas, j’ai bien signé ! Tout ça est bien réel.
Tant d’émotions eurent raison de notre ami qui revient d’Australie et qui resta un bon moment immobile, médusé, comme pétrifié. Faudrait qu’il se bouge ! On va jouer à pincemi pincemoi ou quoi ??
– Allô ? Y’a quelqu’un ?? Saperlipopette, il est mort ou quoi ? Non, ça va, il respire, il se fiche de moi…Je vais le réveiller, j’ai d’autres chats à fouetter.
– Mais c’est quoi tout ce tintamarre ? s’écrie notre ami qui revient d’Australie, qui a signé un fabuleux contrat, au cas où vous auriez mal lu le début. Saperlipopette ! Et pour ceux qui ne sauraient pas, pincemi et pincemoi est un petit jeu d’enfant un peu simplet, mais sympa quand même. Ça fait partie du folklore …Mais je reste quand même médusé quand je vois comment on se comporte en débile avec les enfants parfois. Ça me met dans une rage folle !
– Barre-toi sale clebs !
– Kaï ! Kaï ! Kaï !
Ah ! la pauvre bête ! Ça me rappelle ma jeunesse quand on farçait nos potes ! Qu’est-ce qu’on a pu en faire comme conneries ! C’est époustouflant comme le temps file ! J’en suis tout ébaubi ! Pas tous des enfants de choeur, c’est sûr. Je ne voudrais surtout pas divulgâcher quiconque, mais j’en connais plus d’un qui auraient des comptes à rendre ! Mais on va encore me dire que je suis complètement décalé dans la tête et que je devrais arrêter d’imaginer un tas de trucs impensables.
Françoise
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L’automne est là …
Ça dépend où l’on habite …
Et oui ! D’un côté ou de l’autre de l’équateur, ça varie !
On est décalé !
Ce n’est point divulgâcher de secrets que de dire cela :
Grâce à Galilée, entre autres grands savants, tout le monde le sait !
Pas d’quoi se sentir ébaubi à cette saison, quand on est frileux !
Pour moi, au contraire, ça reste charmant de se blottir chez soi, comme un chat !
Rien d’époustouflant à faire,
Juste de bons amis à réunir pour farcer autour d’un bon civet !
Kaï kaï, glapit le pauvre chien errant qui en voudrait bien ?!
Médusé par autant d’injustices dans ce bas – monde !
« Pincemoi !, aboie-t-il à son copain de la rue.
– J’y crois pas, saperlipopette, toujours les mêmes qui se régalent pendant qu’on crève la dalle ?!
– Pas de trêve pour notre tintamarre sous les fenêtres des bourgeois !
– La lutte doit continuer, camarades !!!
– Tintamarre, oui, car vraiment marre !
– Saperlipopette, ras la casquette !
– Pincemoi ou j’m’endors debout !
– Médusé, je le resterai !
– Aussi longtemps que, sous vos fenêtres, mes Kaï kaï seront ignorés !
– Oooh que nooon, nous les chiens de la rue on n’a pas le cœur à farcer !
– Le ventre vide, rien d’époustouflant à notre colère !
– Ebaubis nous serons, lorsque vous nous aurez enfin compris et partagé !
– Sans divulgâcher derrière votre dos, nous resterons loyaux !
– Si décalés que vous êtes ! ?
– C’est quand notre tour pour faire la fête ?
GRRRR !!! KAI – KAI !!!
Kristell
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Ah non ! tu ne vas pas encore me la re-servir ! Le temps me semble décalé à chaque fois que tu recommences depuis cinquante ans. Et, forcément je ne peux m’empêcher de divulgâcher la fin, vu que je la connais par cœur. Ce n’est pas que je n’apprécie pas tes qualités, ta bonne humeur, ton humour étrange qui me laisse ébaubi de béatitude, mais reconnais que ta plaisanterie à répétition n’a rien d’époustouflant, de surprenant, de mystérieux bref, d’intéressant. Comme le disait Bergson, farcer peut se faire par l’usage raisonné du comique de répétition, mais la répétition lasse et j’en glapis de lassitude tout comme mon chien au bout de sa laisse qui laisse échapper un kaï kaï kaï désespéré, au souvenir de ses ancêtres sauvagement loups, médusés de voir leurs congénères se traîner heureux au bout d’une corde qui leur assure leur beefsteak. Depuis la première fois que pincemi et pincemoi se promenèrent dans leur coque de noix, il y a de ça cinquante ans, saperlipopette, je ne peux m’empêcher, à chaque occurrence de cette histoire de me souvenir du tintamarre qui sévissait dans cette soirée décalée où tout le monde buvait tout ce qui peut se boire et fumait tout ce qui peut se fumer. Ce tintamarre m’avait bouché les oreilles durant au moins une semaine et il ne m’en reste que cette expression que j’entendais alors pour la première fois, avec son côté désuet, saperlipopette, sapé comme popette, la fille de Popeye ou bien ça se perd dans le lit de Popette, la belle marine aux cheveux fous qui, de son bateau faisait équipe avec pincemi. Pincemoi, disais-je avec délice, pince-moi les seins, mais juste assez pour que mes sens médusés s’esclaffent de surprise, KAÏ criais-je alors dans ce mélange de plaisir et de douleur car tu prenais plaisir, Popette, à farcer la dose, petite plaisanterie semi-sadique qui lancerait l’échange époustouflant des sens en alerte ébaubis de stupéfaction devant nos audaces d’adolescents. Mais pourquoi divulgâcher la fin qui se trame sous nos yeux ? Comment parler de ce désir toujours brûlant, jamais décalé malgré les ans ?
Yves
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Les interdits
Dans cet atelier du chaos, Dame Cécile nous enfermait, à double tour, pendant trois fois 20 minutes sans échappatoire. A tous les proscrits, déviants, marginaux… censure immédiate de leurs écrits ! Défense d’éléphanter ! Prohibez eBay ! Non aux noms, Oui aux huis ! Nous étions frappés d’interdiction, entravés d’empêchement, condamnés à obéir aux consignes ! Mais le jour vint où un transgresseur se mit à chanter à tue-tête : « Tabou pas être beau, oh, oh, oh, oh , Monde cinglé, hé, hé, hé, hé, J’t’ai dans la peau, oh, oh, oh, oh J’t’aime, t’aime, t’aime ! »
Et depuis ce jour, les forçats de l’écriture s’affranchirent du joug de la Dame du Chaos, qui cahin-caha, s’en alla cahoter sur nos cas hauts et nos cabas.
Jean-Yves
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Voyage époustouflant
Avis aux aimables voyageurs.
Nous sommes très honorés de votre présence et vous souhaitons un bon voyage.
sachez, pour votre confort, les conditions pour un trajet des plus authentiques et sûrs :
Il est formellement interdit de manger assis votre sandwich.
La SNCF a remplacé les WC dans les wagons par des toilettes sèches : il est interdit de pisser.
Vous êtes autorisés à chercher votre place correspondant à votre billet préférentiel mais simplement pour y poser vos bagages. Asseyez-vous par terre dans le compartiment.
Il est formellement interdit de parler aux inconnus en face de vous, ni faire la grimace.
A l’arrivée en gare, la sortie est fermée, celle des WC reste ouverte, empruntez-la.
Autant que faire se peut, défense de courir dans les bras de quiconque vient vous chercher ; saluez seulement, la main au képi. Ceci pour qu’il n’y ait pas de désordre ni de vulgarité sur le territoire.
Il n’est pas recommandé de donner de nouvelles, dire où vous vous trouvez, téléphoner à votre beau-père pour dire : j’arrive. Il s’en rendra bien compte en vous voyant à sa porte.
Marchez posément, sans vous pencher en avant si vous avez des bagages : c’est très mauvais pour le dos.
Nous sommes très attentionnés à ce que tout se passe au mieux, sans dysfonctionnement, pour votre bien-être. Nous vous souhaitons d’autres beaux voyages en perspective.
Odile
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Le petit doigt sur la couture du pantalon
(Règles applicables à l’intérieur de l’atelier de couture)
– Interdit de filer à l’anglaise
– Défense de faire la manche
– S’abstenir d’en découdre
– Ne pas filer du mauvais coton
– Défense de mettre sa langue dans la poche des autres, dans la bouche également et de donner sa langue au chas
– Ne plus donner du fil à Retordre
– Les talons à aiguilles sont prohibés, les aiguilles à talons également
– Refuser toute commande de pull sans over ou de tricots stériles
– Défense d’avoir maille à partir pour les nouveaux arrivants
– Ne plus classer les factures dans les chemises
– Ne plus coudre les boutons d’acné
– Ne pas laisser se constituer des bas de laine
– Interdiction totale de se défiler le 14 juillet
– Eviter, dans la mesure du possible, d’utiliser le point de croix pour les habits sacerdotaux
– A compter de ce jour, les messieurs n’auront plus accès aux machines à tripoter et conséquemment, les dames ne devront plus se monter du col de l’utérus.
Philippe
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Lettres oubliées
Ça y était. Dernier jour. La quille. La fin des tournées…
Ça lui faisait drôle à Fernand. Ça faisait combien déjà ? Quarante-quatre ans et deux mois ! Une bonne quantité de lettres distribuées, dites donc ! Fernand rangeait le petit local où le courrier était stocké. En soulevant une caisse, il aperçut un vieux sac de jute qui semblait vide. Il l’attrapa pour le mettre sur l’étagère quand une lettre s’en échappa. Elle était jaunie par le temps. Il la retourna et n’en crut pas ses yeux en lisant l’adresse élégamment écrite en pleins et en déliés :
A l’attention de Monsieur Fernand Pire
45 avenue des Rêves oubliés
33333 ANGEVILLE
Une lettre pour lui ? Très intrigué, il l’ouvrit et commença la lecture.
« Mon cher Fernand,
C’’est Maman. Oui, je sais, tu es surpris en lisant ma lettre. Oh mon petit Fernand, si tu savais comme je t’aime mon grand petit garçon ! Je suis partie si vite, si tôt, trop tôt… Mais tu sais, je ne suis pas loin, juste dans la pièce d’à côté. Tu me rejoindras un jour, tu verras. On y est très bien.
Mais le temps n’est pas encore venu. Il y a une chose importante que tu dois faire avant.
Tu dois VIVRE !
Tu te souviens, avant que je ne tombe malade, quand on allait se promener au bord de l’océan ? Tu me disais toujours que tu ferais le tour du monde. Que tu construirais ton propre bateau et que tu partirais sur les flots, rencontrer les peuples de la planète. En parlant, tu avais des étoiles dans les yeux mon Fernand. C’était si beau, si pur. Mon cœur se gonfle encore de joie et d’émotion à ce souvenir.
Où sont tes étoiles Fernand ? Qu’est devenu ton rêve de liberté et de voyage ? Que fais-tu de ton existence ?
Il est temps. Oui, il est temps Fernand. Vas-y, vas naviguer !
Je t’embrasse infiniment.
Ta petite Maman qui t’aime »
Les mains tremblantes, Fernand replia la lettre et la mit dans sa poche, contre son cœur. Les larmes étaient là, au bord des yeux. Il se sentait tout chiffonné à l’intérieur. Il resta un moment ainsi, sans bouger, presque sans respirer. Puis il prit une grande inspiration et alla chercher son vieux vélo. Alors qu’il poussait sur les pédales, un large sourire naquit au milieu de son visage, bientôt remplacé par un rire en cascade.
Anne-Claire
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Posté, venelle des Secrets
J’aurais aimé vous le dire de vive voix
Mais cela ne sort pas, c’est caché en moi.
Si j’osais vous le chanter
Même à voix feutrée
Cela ne serait plus mon secret.
Et je dois le garder.
Je pourrais vous le dessiner
En une ligne courbée
Sans rupture ni hachure
Mais il serait dévoilé
Ce pourrait être une esquisse
Un croquis sans contour
Une ébauche sans couleur
Mais vous le devineriez trop facilement.
Ce serait le trahir.
Vous l’offrir sans gêne
Cela en vaut-il la peine ?
Je ne sais plus qu’en faire.
Vivre seule avec me pèse nuit et jour.
Alors est-il venu ce jour
Où enfin je vous ouvre mon cœur
Et délivre ce secret qui s’y loge depuis toujours ?
Catherine
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Maxime le Blanc vient de terminer sa tournée.
Il est au bureau de poste où il a posé sa sacoche dans son casier.
Il va pouvoir aller manger.
Machinalement, il regarde vers la caisse où ses collègues ont posé les lettres qu’il a distribuées ce matin.
Mince, il y en a une qui est coincée sous la caisse.
Aye !
C’est une lettre postée il y a 10 ans.
Il y a peu de chance que la personne habite toujours à la même adresse.
Rue du regret. Numéro 8.
En plus, il y a beaucoup de personnes âgées, dans cette rue.
« Je vais l’ouvrir chez moi » se dit-il.
Un peu plus tard, après avoir mangé un petit bœuf bourguignon avec sa femme et sa fille, il s’installe au salon avec une petite tasse de café, qu’il s’est préparée.
Sa femme préfère le thé.
Il ouvre à lettre délicatement.
« Cher professeur,
Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi. J’étais assise au troisième rang de votre cours à l’université. Nos regards s’étaient croisés.
J’ai dû abandonner mes études car j’ai dû travailler. Je suis désolée d’être partie sans avoir pu vous prévenir En passant dans la rue du regret, lors d’une promenade, j’ai aperçu votre nom sur une boîte aux lettres. Comme je suis revenue vivre dans cette ville, je vous joins mon adresse si vous souhaitez que nous prenions un café. J’habite rue des hortensias, le numéro 13, à Vénissieux.
En espérant avoir de vos nouvelles, et que ce regard échangé ne soit pas un rêve, je vous quitte à regret.
Bonne journée à vous et peut être à bientôt
Claire Renoir. »
Oh, comme c’est dommage que cet Alain n’ait pas reçue cette jolie lettre. Je vais la recoller et je regarderai demain si Alain Gauthier habite toujours à cet endroit. Qui sait ?
Maxime était un grand romantique.
Christine
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Madeleine Mascolo
8, Rue des oubliés
10064 Brienne le Château
« Chère Madeleine, cela fait maintenant six mois que je n’ai plus de nouvelles de toi, je suis très anxieuse, je dors difficilement et le matin j’ai l’impression que c’était hier que tu es partie, mes jours se ressemblent tous et sont interminables. J’ai tricoté plusieurs écharpes, des gants, des chaussettes, avec des fils d’amour pour te réchauffer, hélas je ne sais où te les faire parvenir, le dernier colis m’est revenu avec toutes les douceurs complètement abimées… Le facteur en était dégoûté ! Que faire, je te sens si loin de moi, j’ai l’impression que mes prières ne te parviennent pas, plus, même nos échanges télépathiques se sont espacés… Je me refuse à penser au pire, dis-moi, détrompe-moi, donne-moi signe de vie. Je t’accueillerai à bras ouverts quelle que soit ta faute ! Tu es pardonnée d’avance et j’espère que ce n’est pas un comportement grave qui te tiens éloignée de la maison… Je t’envoie toutes mes pensées et mon affection pour te soutenir. Ton amie Andrée, fidèle pour la vie. »
Michael est intrigué en lisant cette lettre trouvée ce matin dans le fond d’une boîte de tri… Il se rappelle vaguement il y a 15 ans d’une Madeleine, partie entre deux gendarmes… d’une Andrée qui tentait de l’arracher à ses gardes… L’adresse à moitié effacée… le colis moisi qui a fait rire quelques collègues… cette lettre jamais partie… Son coeur est lourd, cette amitié déchirée il la connaît, c’est son histoire avec Franck, un vrai pote qui demeure introuvable… Les oubliés, les disparus… tous les ans 10000 personnes disparaissent et ne sont pas retrouvées… Michael est secoué, sonné.
Claire
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Ce matin le facteur Martiel doit trier des lettres oubliées.
Soudain une missive attire son attention.
Celle-ci est adressée à
Monsieur de la Valendière
Boulevard du chagrin inoublié
00000 – Perlin les douleurs
« Cher Monsieur
Vous ne me connaissez pas mais moi je sais qui vous êtes. Je suis la petite fille qui était au fond de la classe lorsque vous êtes entré accompagné du directeur de l’école de notre petite ville. Vous aviez alors belle stature dans votre pardessus. Votre air grave nous a tout de suite interloqués. Vous nous avez alors salués nous appelant vos chers enfants. Comme notre institutrice n’était pas présente nous avons tout de suite craint d’il lui soit arrivé quelque chose de grave voire de définitif. Mais quand vous avez commencé à parler nos petits cœurs se sont serrés.
· Mes chers enfants j’ai le regret de vous annoncer que le Père Noël ne viendra pas cette année vous voir. Il est interdit de territoire ce qui veut dire qu’il ne peut entrer en France. La crèche ne sera pas non plus installée de même que le sapin de Noël.
Alors une petite voix lui a coupé la parole
· Mais pourquoi repris par toute la classe.
· Parce que des gens ne trouvent pas leur représentation compatible je veux dire possible avec les lois de la République.
· Mais pourquoi notre maîtresse n’est pas là pour nous en parler
· Elle est tombée malade de chagrin en pensant à celui qui serait le vôtre.
Des cris résonnent dans notre petit groupe d’élèves désarçonnés.
Depuis j’ai appris que le Père Noël n’existe pas que le petit Jésus tenait de la légende et que couper des sapins nuisait à l’écologie. Mais chaque fois que le 25 décembre s’approche j’ai le cœur qui se serre en pensant au chagrin que vous nous avez causé ce jour-là. Est-ce que vous pensez à la peine que vous faites aux plus petits, vous les grands, quand vous prenez de pareilles décisions ? Bien sûr depuis je vous ai pardonné. Malgré tout je tenais le jour de mes 18 ans et de mon entrée dans le monde des adultes à vous faire savoir que je porte enfoui dans mon jardin secret un « Chagrin inoublié ».
Ma lettre ne vous parviendra peut-être pas car vous avez, je pense, changé d’adresse et vous n’êtes pas aussi connu que le Père Noël dont toutes les missives lui arrivent, quelle que soit la destination. Je parfume mon écrit de mes larmes de petite fille à qui vous avez brisé le rêve.
Recevez Monsieur mes salutations déçues bien que compréhensives. J’ai grandi depuis. »
Jacqueline la bretonne
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Un courrier étonnant – adresse inexistante
Monsieur Aimé
Rue du plaisir sans fin
69 Meyzieu
Monsieur,
Votre réputation n’est plus à faire. C’est pourquoi je m’adresse à vous. J’ai connu beaucoup d’hommes, des grands, des petits, des gros, des maigres, des nerveux, des calmes, des gentils, des grossiers, des obsédés… Aucun ne m’a donné ce que j’attendais. Je voulais de l’amour, rien que de l’amour. Eux ils cherchaient du sexe, rien que du sexe… Si encore ils m’avaient conduite vers le septième ciel dans une extase exceptionnelle, j’aurais pu m’en accommoder, mais à peine commencé, c’était déjà terminé, et ils osaient me demander « c’était bien ? »… Je n’en peux plus… Je me tourne donc vers vous monsieur Aimé pour atteindre ce Nirvana que je n’ai jamais pu atteindre.
J’espère une réponse préliminaire et approfondie de votre part
Dans l’attente, d’une prochaine rencontre
Très chaleureusement
L’insatisfaite perpétuelle
Cette lettre stagnait depuis plusieurs mois dans la boîte « courrier en attente – adresse inconnue ». Le préposé au courrier en ouvrait une de temps en temps au hasard. Aujourd’hui il était tombé sur celle-ci, aussi étonnante qu’improbable. Il décida de rechercher la rédactrice, elle avait laissé ses coordonnées au dos de l’enveloppe :
Madame Insoumise, 7 rue du soupir – 69 Saint Amour
Jacques
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Eh ! Regardez, les gars ! Cette petite enveloppe rose avec un joli timbre-poste en forme de cœur. Elle est adressée au Père Noël, 5 rue des Etoiles, au Ciel. Et elle a été affranchie le 21 novembre 1991 ! Ça fait 30 ans, vous vous imaginez ? Le petit qui l’a envoyée doit avoir près de 35 ou 40 ans aujourd’hui ! Laurent décachète l’enveloppe et commence la lecture de la lettre à haute voix.
« Cher Papa Noïel, »…Tiens, encore un qui ne sait pas écrire « Noël ». Mon fils cadet, lui aussi, n’a jamais su dire « Père Noël », il disait toujours « Papa Noïel »… Bref, je continue… « Je sais que je n’ai pas toujours été très sage cette année, mais je t’écris quand même, parce que je me dis que toi, au moins, tu es gentil. Pas comme la maîtresse, qui donne des devoirs et qui punit. Tu sais, mon papi Jeannot, il est monté au Ciel au mois d’avril, et depuis, ma mamie Bernadette »…
Là, Laurent, le postier, marque une pause et continue la lecture à voix basse. Ses collègues ne comprennent pas pourquoi, mais ma foi, ils se disent qu’il leur racontera la suite. « …ma mamie Bernadette, elle a toujours les yeux mouillés. Je sais bien qu’elle voudrait pleurer mais qu’elle se retient devant moi. Et puis, tu dois le connaître, mon papi, parce que le Ciel, c’est là où tu habites toi aussi. Alors, est-ce que tu pourrais l’amener avec toi pour Noïel ! On fera la surprise à ma mamie Bernadette et puis à mon papa aussi, parce que lui aussi, il a souvent les yeux mouillés. » Laurent change de couleur. Il rougit, il pâlit… Et puis ses yeux deviennent mouillés à lui aussi. Ses collègues le chambrent et lui tapent sur l’épaule en disant : « Alors, le petit Laurent, il est ému par l’histoire du Père Noël ? »… Laurent ne répond rien. Il continue la lecture. Une petite larme commence à perler le long de son visage. « Et puis tu sais, Papa Noïel, ça me ferait plaisir de voir ma mamie et mon papa sourire avec des yeux secs ! Et puis je serais content de revoir mon papi aussi ! J’aimerais bien qu’il me fasse des chatouilles encore ! Je te fais plein de gros mimis. Signé : Le petit Louis »
Là, Laurent éclate en sanglots. Il leur explique que c’est son fils cadet, Louis, qui avait dû écrire cette lettre, de toute évidence, avec l’aide de son frère aîné, Benjamin. Et ce Noël-là avait été le plus triste Noël de leur vie. Sa mère, ne pouvant se remettre de la perte de son mari, est décédée de chagrin quelques jours plus tard et le petit Louis a énormément pleuré parce que le Papa Noïel n’avait pas été gentil avec lui. Le petit Louis, a lui aussi quitté ce monde quelques mois plus tard, des suites d’une méningite. Laurent ravale ses larmes et continue sa lecture : Ah ! Il avait noté un post-scriptum : « Quand vous viendrez, ne passez pas par la cheminée parce que mon papa allume souvent le feu, et mon papi, il aime pas le feu. » Alors là, les trois collègues se retiennent de rire, mais, regardant le visage de Laurent s’éclairer, ne peuvent s’empêcher de s’esclaffer, et Laurent d’en faire autant.
Jocelyne