Ce mois-ci, des plaidoiries d’armes du crime, la nature qui se rebelle et les poètes qui prennent le pouvoir… Tout cela en prose ou en vers et toujours avec humour !
Plaidoiries
Bonjour à tous,
Voilà, je souhaite assurer ma défense toute seule. Je ne veux pas d’avocat.
Je me présente : mon nom est vengeance.
Je m’insinue dans l’esprit des victimes. Je les influence pour qu’elles se défendent face à leurs bourreaux ! Pourquoi certaines personnes en humilient d’autres ? Pourquoi certains se permettent de voler des victimes ? Souvent des gens plus fragiles, plus faibles qu’eux. Ils profitent de leur force. Je trouve cela injuste !
Je m’insinue aussi dans l’esprit des gens qui assistent à la scène.
Lundi dernier, une petite mamie, très jolie d’ailleurs, s’est fait bousculer par un homme mince qui portait une cagoule noire. Il lui a volé son sac à main. La pauvre dame est tombée sur le trottoir. Elle s’est tout écorchée les coudes et les genoux. Les plaies n’étaient pas belles à voir ! Un jeune qui sortait de son lycée a fait un petit croche-pattes au voleur, celui-ci est tombé lourdement sur le sol. Le jeune homme a récupéré le sac et l’a donné à sa propriétaire. Le voleur n’a pas demandé son reste et est parti en courant.
Vous voyez que je suis utile.
Je permets aux victimes de prendre leur revanche.
Voyez comme je suis maligne, intelligente, subtile…
Et encore, je suis modeste.
Les hommes ont besoin de moi.
Vous ne pouvez pas me condamner !
Laissez-moi aider l’humanité.
Je vous salue tous !
Christine de Villeurbanne
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TAG
Madame le Juge,
Je tague, du soir au matin, Je tague sur mon chemin,
Je ne puis m’en empêcher, Et s’il vous plaît comprenez moué !
Je tague, rue Quincampoix, Je tague c’est mon emploi
Je jure que c’est pour embellir, Et non provoquer votre ire !
Vandale, vous me méprisez, Grapheur, vous me qualifiez,
Mais de grâce, ne verbalisez pas, Mes œuvres ne le méritent pas.
Banksy, notre maître à tous, Aux joies du Street Art nous pousse
Et, oui je l’avoue, c’est moi, Qui m’en suis pris à Delacroix
« La Liberté guidant le peuple », M’a inspiré un saccage simple
Avec de l’encre indélébile, Mon marqueur noir un peu débile
A fait merveille au Louvre-Lens, Et m’a valu cette contredanse.
Mais le tableau a été restauré, Alors en prison ne me mettez
Car sur les murs d’une piètre geôle, Je peindrai comme une casserole.
Madame le Juge, s’il vous plaît, D’un tagueur fou ayez pitié !
Jean-Yves, Montpellier
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Nature rebelle
Bzzzz Bzzzzz,
« Maman, regarde ! Une coccinelle ! Elle s’est posée sur ma main. Qu’elle est belle ! Pourquoi elle a des taches sur le dos ?
– Écrase-moi ça tout de suite ! Ne touche pas, c’est sale !
– Mais Maman, c’est beau une coccinelle, et puis c’est pas méchant, si ?
– J’en sais rien et tu ne sais pas où elle a fourré son nez avant, c’est plein de microbes.
– Ah bon, je savais pas. »
Et crack ! le petit garçon écrase la petite bête avec une pierre.
« Va te laver les mains, on passe à table, allez, go ! »
Non loin de là, quelques fourmis observent la scène. La consternation est générale.
« Tu as vu ça ? Il a écrabouillé une coccinelle !
– Oui j’ai tout vu, c’est horrible ! Pourquoi sont-ils si cruels avec nous, ces humains ?
– Je suis révoltée, il faut en parler à la communauté et en référer d’abord à la reine, dit une jeune nouvelle venue, pas encore très aguerrie.
– À cette grosse pouf ? Elle passe son temps à se goinfrer pendant que nous, nous nous tapons tout le boulot, y’en a marre. Elle a signé un compromis de non-ingérence avec ces bipèdes. Faisons plutôt appel à notre société secrète des Fourmis en Soif de Liberté. Marre de toujours obéir comme des petits soldats, marre de faire des compromis avec ces humains qui ne cherchent qu’à nous détruire, les inconscients ! Oui nous mordons, mais c’est pour nous défendre ! Jamais nous n’attaquons ! Et si parfois nous visitons leur demeure, c’est parce que ça sent bon la bonne bouffe ! En cas de disette, il y a urgence et nous prenons des risques à nous aventurer chez eux de la sorte. Contrairement à ce que racontait ce type, La Fontaine, nous ne sommes pas si prévoyantes que ça ! »
Et la nuit venue, alors que toute la communauté dort, sous la lumière blafarde de la Lune, et les nuages noirs menaçants, électriques, les deux cents petites rebelles se réunissent en secret dans une anfractuosité d’un rocher près de la fourmilière. Les débats sont enflammés, la tension et la température montent dans l’abri. Les révoltés décident d’agir contre ces humains, même si la Loi de la communauté bien policée des fourmis le leur interdit formellement sous peine d’exil au pays des termites. Bonjour les dégâts !
Toute l’assemblée fourmille d’idées pour mener la lutte contre ces barbares géants. La nouvelle recrue, Fourme d’Ambert, écoute avec attention tous ces échanges qui ne parlent que de guérilla, d’attaques coordonnées avec d’autres fourmilières, d’attentats multipliés, que sais-je encore. Soudain un violent orage éclate, la foudre frappe le rocher et électrise toutes les fourmis qui sont secouées de puissants tremblements. Seule Fourme d’Ambert semble épargnée par le phénomène, et comme touchée par la grâce des innocents.
« J’ai une idée ! Écoutez-moi ! Au lieu d’affronter directement ces géants dans des combats dont l’issue pourrait ne pas nous être favorable, utilisons notre intelligence et mettons au point une stratégie efficace. Je vous propose de nous infiltrer discrètement sous la peau de ces monstres et de les chatouiller jusqu’à ce qu’ils en perdent la raison ! »
Les paroles font mouche ! Toutes les fourmis saluent la proposition de Fourme d’Ambert et décident d’entrer en action dès le lendemain.
Et c’est depuis ce jour que les humains sont parfois en proie à des fourmillements dans les bras ou les jambes. Toutefois aucun humain n’a encore perdu la raison. Le plan des révoltés n’aurait-il que partiellement réussi ?
Françoise de Caluire
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La république des poètes
A vos plumes amis poètes de l’univers
Vous avez le pouvoir de nous rendre l’Eden
Que vous soyez Rimbaud, Ronsard ou Prévert
Victor Hugo, Joachim du Bellay ou Verlaine.
Autour d’une table, dans un champ ou sous un chêne
Que proposez-vous pour vos décennies prochaines
Que chaque contrée, choisisse un représentant
Qui laissera sa place au début du printemps
Faisons une grande fête, lors de la pleine lune
Mettons nos attentes et désirata dans l’urne
Avant d’arrêter le canon, cultivons, nourrissons
Rendons l’argent caduque, troquons, partageons
L’égalité pour tous, éduquer chaque humain/aine
Semons des graines d’amour, bannissons les haines
Rangeons les engins de guerre au musée des horreurs
Dans nos vies, nos assiettes, mettons de la couleur
Protégeons la nature comme un précieux trésor,
L’eau de vie descendant des placiers, rare, comme l’or
Transformons nos villes en campagne animée
Apprenons à consommer en bien-être sans excès
Vivons dans l’utopie et le rêve sans démagogie
Refaisons de notre planète bleue un nouveau paradis
Jacqueline la bretonne
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Nous, Gouvernement des Poètes,
Avons cent jours
Pour mettre en application,
Et ça c’est chouette,
Notre programme, rédigé avec amour
Et sans prise de tête.
Désormais, chaque jour c’est la fête
Avec tambours et trompettes,
Grâce au Ministère des Jours Fériés
Sans limite dans l’année.
Le Ministère Humour et Tarte à la Crème
Devrait être notre emblème.
Avec lui, plus de problèmes.
Espérons que tout le monde l’aime.
Chaque citoyen devra, dans chaque village,
Apprendre dès son plus jeune âge
La recette de la tarte à la crème,
Belle image de notre emblème.
Grasse matinée obligatoire
Pour les petits comme pour les grands,
Finis les devoirs
Pour tous les enfants.
Soirée apéro et jolis jeux de mots
Chaque lundi et « au lit les marmots ! »
Soirée raviolis tous les vendredis
Soirée pyjama
Le samedi pour les nanas.
Des pluies de dollars
Pour tous les manards
Des pluies de grêlons
Pour tous les gros cons…
Plus de grèves dans les gares…
Mais là, on s’égare.
Jour J+1 pour les poètes,
Ça va être la fête !
Jocelyne de Brindas