Inventer une nouvelle fin à une histoire célèbre
La chèvre de Monsieur Seguin
Insouciante bien installée sous un arbre pour une petite sieste digestive, Blanchette savourait sa liberté. Elle ne reviendrait jamais. La vie était trop belle dans la montagne. Le loup n’était bien sûr qu’une légende inventée pour la garder prisonnière.
Mais une ombre sombre et affamée s’approchait d’elle. Le loup existait bel et bien et il était là et se léchait les babines en contemplant son futur repas. C’était un jour de chance, il allait faire bombance.
Alors que la bête cruelle allait se jeter sur elle, Blanchette se redressa et un duel sans merci s’engagea. Elle lutta de toutes ses forces mais le loup était le plus fort. Elle sentit sa fin venue.
Mais au moment où le loup s’apprêtait à enfoncer ses crocs dans la gorge de la petite couchée à terre, il sentit une horrible douleur dans son arrière-train et la corne forte et acérée d’un gros bouquetin le fit sauter en l’air. Il se retrouva par terre sur le dos face à Bosco le bouquetin, s’il ne se dégageait pas rapidement, il finirait embroché. Dans un sursaut vital il partit à tout vitesse sans demander son reste, l’animal cornu était vraiment trop fort pour lui, tant pis pour la petite chèvre.
Bosco s’approcha de Blanchette et quand elle eut repris des forces ils rejoignirent tous deux le troupeau des bouquetins.
Et depuis on dit dans le pays qu’il existerait des petits bouquetins tout blancs.
Dany, Lyon 7ème
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Fin de Guerre
(à la manière de Céline)
Le bateau s’enfonçait dans la brume opiniâtre, direction ailleurs, un ailleurs fait de bière, de kilts et de moustaches lustrées. Sur le pont humide et poisseux, l’Angèle, elle m’avait attendu, un peu, je n’étais pas le premier à la niquer de faux sentiments, je ne serai pas le dernier non plus, elle ferait semblant de pleurnicher un peu, pour se donner l’air comme il faut, puis elle m’oublierait bien vite dans les ruelles sordides où passe le temps des permissionnaires. Passes, chausse-trape, impasses et chaude-pisse.
Je les regardais donc s’évanouir dans le gris, elle et son bateau british, elle et son écossais si kitch qui l’avait tant fait jouir, l’autre jour sous mes yeux de mari virtuel, puis m‘avait embrassé ensuite par compassion, amitié ou amour, ou simplement connerie, car il faut être con pour être écossais et jouer de la cornemuse quand les obus barbares des Boches répandent les tripes des camarades dans la boue lourde de Picardie, fertilisant une terre pas trop ingrate, pas vraiment rancunière non plus, qui engraissera l’été prochain des champs de coquelicots.
Et moi, rassasié des épreuves que j’avais subies, de celles que je m’étais inventées, et encore de la peur que m’avait léguée en testament, Cascade, mon copain fusillé, ce sale maquereau que cocufiait l’Angèle, moi, je repartis en clopinant, la tête pleine de farças, d’embrouilles et d’espoir, dégueulant de-ci, de-là, contre un mur ou dans un fossé ; en direction de l’hôpital où j’allais retrouver la Lespinasse, cette salope d’infirmière, branleuse d’agonisants, croqueuse de morts, douce tortionnaire frustrée, j’allais la retrouver et la mettre au tapin, pour lui apprendre la vie, la vraie vie, elle qui n’avait vécu jusque-là que pour jouir de la mort.
Je me sentais d’un coup un peu plus guilleret. Ferdinand, que je me dis, il est temps de commencer ton voyage au bout de la nuit.
Philippe, Lyon 1er
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Une vie en six mots
PASTEUR J’ai la rage de vivre intensément
EINSTEIN J’aime faire la bombe sans exploser
BREL Mourir cela n’est rien, mais vieillir…
LA FONTAINE Pas de fables, pas de moralités
DEPARDIEU Boire, baiser, manger, jouir sans limites
NOUREEV Danser, danser, séduire, danser, danser encore !
BEETHOVEN Créer des symphonies sans les entendre
Van GOGH Hollande, Provence, couleurs vibrantes et confondues
Jacques, Chaponost
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Composer en vers un blason sur une partie du corps
Les mains du pianiste
Elles courent sur un champ noir et blanc
Se croisent sur un rythme lent
S’envolent sur une sonatine
Et caressent la samba latine
La nuque de Romy Schneider dans le film « les Choses de la Vie »
Sa nudité est plus troublante
Que toutes les gorges brillantes
De dos, elle suggère le désir
A l’homme, qui derrière elle, la mire
Catherine, Lyon 5ème
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La main
Sa paume pour caresser
Doucement pour dire d’aimer.
Cinq doigts qui peuvent se réunir
Pour s’aider à produire.
Ou séparés avec chacun sa fonction
Selon ce que son propriétaire veut comme action.
Stop dit le pouce levé,
Chut dit l’index dressé,
Se dresse le majeur
De toute sa grandeur.
Recevant l’alliance, c’est l’annulaire.
Et se grattant l’oreille c’est l’auriculaire.
Cette main indispensable
Est toujours corvéable !
Christine de Caluire Saint-Clair
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La bouche des chevaliers Richemonde
Est la plus merveilleuse du monde
Grande, magnifique et rouge,
Elle séduit tout ce qui bouge !
Christine de Villeurbanne
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Oeil, nez, voix, main, bouche, jambe
La bouche
Divine, gourmande, mutine, boudeuse, pulpeuse
En cœur, bouton de rose, montre les dents, rieuse
Lèvres ouvertes, bout de langue pointue, provocante
Cascade, rivière, ruisseaux, torrent de mots, fascinante
Jacqueline la bretonne
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Il était une fois
Une toute petite voix.
Une voix timide et plaintive,
Une voix presque maladive…
Un jour, cette toute petite voix
Voulut changer de voix, ma foi…
Et la voix timide et plaintive
Se fit soudain forte et expansive
Ample, tonitruante et carillonnante
Et aussi retentissante et bruyante.
Et soudain, tous les yeux
Et toutes les oreilles des vieux
Etonnés de ce changement
Lui ont soudainement,
Prêté plus d’attention
Pris d’admiration.
Jocelyne de Brindas