La complainte de l’objet
Mais qu’est-ce que je lui ai fait ? Pourquoi tant de haine ? Pourquoi autant de maltraitance ? Je reçois des coups à longueur de journée sans jamais me plaindre. Toujours bousculé. J’ai toujours été à son service de jour comme de nuit… Au garde-à-vous. Jamais une plainte. Mais là, je commence vraiment à disjoncter. Je n’ai jamais aucun repos. Je suis toujours en activité. Elle ne se rend pas compte. Dans quel état elle me met jour après jour ? Je suis en mode surchauffe, moi !
Aujourd’hui c’en était trop. J’en pouvais plus. Alors j’ai un peu craqué. Je me suis énervé. Je me suis arrêté, j’ai buggé. Et j’ai déballé mon sac. Elle m’a écouté, interloquée, mais elle m’a écouté ! Quand j’ai eu fini, j’ai éclaté en sanglots, tout mon corps vibrait de secousses. Je crois que ça l’a touchée. Alors elle m’a pris dans ses bras, m’a regardé, m’a gentiment caressé.
Je me suis arrêté de pleurer. Elle a séché mes larmes. Et elle m’a dit tout doucement :
« Qu’est-ce qui se passe ? ». J’ai senti sa voix sincère, je me suis donc laissé aller, mes paroles déferlaient comme un torrent en cru.
« Pourquoi tu ne me mets jamais au repos ? Pourquoi tu me trimballes sans faire attention à mes petites pièces fragiles, combien de fois m’as-tu laissé tomber ? Hein ? Combien ? Et toutes ces discussions stériles, ces spectacles grotesques, ces concerts hurlants dont tu m’affliges ! Et je dois porter, classer, trier tous tes documents, et tu ne fais jamais mon ménage ! Même pas vider ma corbeille ! J’en peux plus… Moi ce que je voudrais, c’est un peu de calme et de douceur, tu comprends ? J’ai l’air solide comme ça, mais j’ai un vrai cœur d’artichaut. Je commence à prendre de l’âge aussi, j’ai déjà trois ans, je ne suis plus tout jeune, alors s’il te plaît, ménage-moi !
– Oui tu as raison, je ne suis pas très cool avec toi, mais tu sais combien tu m’es précieux et sans toi je ne suis rien, je t’impose toute ma vie, mes secrets, sans me soucier de ta santé. Excuse-moi, je vais faire attention à partir d’aujourd’hui, tu es mon meilleur ami, tu sais. Alors on est à nouveau amis, mon petit Galaxy J6 chéri ? »
Françoise de Caluire et Cuire
************************************
L’automobile
Oh P… !!! C’est encore lui qui prend le volant ! Depuis qu’il partage la vie de ma maîtresse, elle se croit obligée de le laisser conduire. Moi, une mini Countryman, avec mon design hors norme et mon joli bleu acier. Et voilà qu’il enclenche la marche arrière comme un débutant. Je couine un maximum avec mon radar et ma caméra de recul, mais Paf, ça y est, il a frôlé la borne de stationnement ! Pas possible d’être nul comme ça ! Avec son habitude des bagnoles automatiques, il va encore massacrer mon changement de vitesse. Et que je te fais craquer la première : ça a pas loupé ! Une vraie bille ! Et au feu, à tous les coups, il va caler ! Monsieur n’a plus l’habitude des embrayages, alors une petite bombe comme moi, c’est trop pour lui. Tiens, qu’est-ce que je vous disais ! Et vlan, à nouveau un coup sur le démarreur ! Mais quand cet idiot va-t-il savoir enfin se comporter avec moi ? Je suis docile, j’ai de bonnes reprises, je suis silencieuse… mais à condition qu’on me parle gentiment. Et le toit ouvrant, il connaît pas ! A fond la clim ! Vivement ce soir que je me couche sur mon parking. En espérant que ce soit elle qui fasse le créneau final ! Mini petite souris conduite par un gros Mickey ! Pfffff
Jean-Yves, Montpellier
************************************
Rencontre improbable dans une salle d’attente entre une femme au bord de la crise de nerfs, un chien andalou doté de la parole et un tonton flingueur
Dans la salle d’attente du dentiste
La femme au bord de la crise de nerfs :
- J’ai mal à ma molaire ! Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai mal !
Le chien andalou :
- Ola la mujer ! Qu’est-ce qué tou veux qué ça nous fasse !
La femme au bord de la crise de nerfs :
- Mais je vous en prie ! Vous pourriez avoir un peu d’empathie !
Le chien andalou :
Moi, yé né sais pas ce qué c’est qué l’empathie. Mais yé sais que yé né souis pas empoté !
La femme au bord de la crise de nerfs :
- Empathie : Em-pa-thie ! Je ne vous ai pas traité d’empoté, j’ai dit que vous manquiez d’empathie ! Vous pourriez au moins compatir pour ma dent ! Oui, au moins pour ma dent ! Parce que, je ne vous raconte pas la suite… Mon mari est parti avec la bonne, qui m’a donné sa démission, ma machine à laver est…
Un tonton flingueur :
- … Dis, la gonzesse, je sais pas comment tu t’appelles et je veux pas l’savoir. D’habitude j’parle pas aux cons, ça les instruit. Mais là, pour toi j’m’en vais faire une exception. Avant toute chose, je voudrais te dire, tu commences à me les briser menu. Alors, tu vas te calmer. Parce que moi, les dingues, j’les soigne. J’m’en vais te faire une ordonnance, et une sévère, j’vais te montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu’on va t’retrouver, éparpillée par petits bouts façon puzzle… Moi, quand on m’en fait trop j’correctionne plus, j’dynamite, j’disperse, et j’ventile.
Le chien andalou s’esclaffe, la femme au bord de la crise de nerfs éclate en sanglots… Et c’est sur ce tableau assez rocambolesque que s’ouvre la porte du dentiste…
- Monsieur Raoul, c’est à vous !
- Ah ! Vous me « sauvez la vie » Docteur ! J’en pouvais plus !
Jocelyne de Brindas
************************************
Textes à répétitions de syllabes : cré, con ou cor
Jérôme, le conteur, était content. Il se tenait sur une estrade dans une salle contenant un public nombreux.
Il avait décidé de raconter des histoires portant sur des contrées lointaines. Conformément à son habitude, il s’était entraîné devant son miroir, la veille. Il se demandait s’il était contre indiqué de narrer des histoires de sorcières.
Il avait remarqué qu’il y avait beaucoup de jeunes enfants présents auxquels les parents racontaient plutôt des contes de fées. Certaines de ses histoires contenaient des personnes contrefaites comme des bossus, par exemple. Il avait fait un léger contrôle sur les livres qu’il possédait pour voir si les histoires n’étaient pas trop effrayantes. En même temps, il était confiant. Les enfants, c’était connu, aimaient bien avoir un peu peur aussi. Contrairement à sa collègue Charlène, il aimait bien raconter l’histoire du petit chaperon rouge. Et puis il faut dire que l’histoire contenait quelques rebondissements et en fin de compte finissait bien ! Charlène exagérait quelque peu sur le contenu très effrayant de certains contes. Confiant dans son talent de conteur, il était sûr de captiver l’assistance. Il était loin d’être con. Il tapota son micro pour attirer l’attention du public. Il toussa pour s’éclaircir la voix, puis il se lança dans le récit de son premier conte, qui se déroulait en Chine dans une époque moyen-âgeuse. Il était plein d’enthousiasme. Le public considérable se tut.
Christine de Villeurbanne
************************************
Crénon d’un chien ! un conard de conquistador a créé une sacrée confusion en entrant au crédit corporatif de ma contrée, muni d’un flingue. Peu avant ma concierge est entrée pour contester je ne sais quelle connerie constatée sur son compte. Le corsage boutonné de guingois, le visage décomposé, elle converge vers un conseiller décontenancé, lui crache son incompétence et lui déverse sa hargne en discontinu. Coriace elle lui intime l’ordre de corriger les erreurs en corrélation avec son compte. Puis elle sort. Ses pas la conduisent vers une crêperie où crèche un compère. Elle consomme une crêpe et un cornet de glace à la coriandre. Conjointement, au crédit corporatif, c’est à peine crédible, un client introduit sa carte de crédit dans le distributeur. Le conquistador incrédule voit une sacrée liasse de billets convoler vers lui. Décomplexé il accorde un cordial sourire au client et sous la menace de son rigolo, confisque ses économies. Le contractuel de la police municipale, faisant son tour et contour, pétrifié devant la scène, contacte son chef. Celui-ci envoie un convoi de gardiens de la paix. Le constat établi, le conquistador est convié à recréditer le client, tout rentre dans l’ordre. Bientôt c’est l’heure de la fermeture. La technicienne de surface corvéable à merci, prend une petite récréation. Avec un conseiller Ils entament une conversation en toute complicité. Puis elle commence sa corvée au crépuscule. L’anecdote se raconte le lendemain matin sur le zinc du comptoir du café « Au son du cor ». La concierge conte au téléphone à une consœur de la place de la Concorde à Paris la corrida entre elle et un petit con de la banque.
Jacqueline la bretonne