Quatrains thématiques avec rimes imposées
Le Temps est assassin
Ô temps ! Suspens ton vol, déclame
Le poète austère, comme toujours, exagère.
Il ferait mieux de s’occuper de sa femme adultère,
Vivre au présent et remiser, du Temps, l’oriflamme.
Haut et fort je réclame et proclame
Moi, la petite ouvrière bouchère
Vouloir vivre pépère sans peur du lance-flamme
Du Temps infâme venu faire sauter ma poudrière.
Je veux profiter de la vie sans qu’on me dise infâme
Et me condamne à 100 coups de chambrière
Comme au Moyen-Âge ! Ah ! Pauvre femme
Que je suis de ne pas être née dans une riche chaumière.
En vadrouille.
Nous étions deux amies en vadrouille
En stop, pauvres étudiantes toujours bredouilles.
Un petit besoin pressant et hop ! dans les jonquilles
Mon amie allègrement sautille.
Elle glisse sur une peau pourrie de citrouille
Et se scratche dans une infâme tambouille !
Elle se relève, se tortille et frétille
Et de son short extrait une pauvre petite anguille !
La sale bête l’a mordue, quelle fripouille !
Mon amie, verte de rage, en bafouille.
De pied en cap, recouverte de mille brindilles
Mon amie ressemblait à un vieux gorille !
Françoise de Caluire
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TEMPS
Il n’est plus temps, Madame,
Je vous le dis, nananère
De vous déclarer ma flamme
Mon cœur est en jachère
Foin de psychodrame
Miss météo z’êtes une mégère
Qui sans cesse amalgame
Les intempéries passagères
Votre immonde programme
De soins caniculaires
Assurément je blâme
Allez donc vous faire…
SOUVENIR
Tiens, bientôt la quille
Fini les défilés casse-couilles
Le retour à la vie civile
Se fera sans ces andouilles
L’armée n’est pas une pacotille
Mais un repère de fripouilles
Qui ne songent qu’à mettre en grille
L’ami bidasse qui bredouille
Le lieutenant me fusille
Mon estomac gargouille
A la moindre peccadille
Du trou, j’ai trop la trouille
Jean-Yves, Montpellier
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Imaginez une bibliothèque humaine
Cette nuit-là, Alice s’était laissée enfermer exprès dans la bibliothèque de son village. Sa grand-mère lui avait toujours dit que les livres avaient une âme. Elle voulait le vérifier par elle-même. Elle sortit du rayon des polars où elle s’était cachée lorsque la bibliothécaire ferma la porte de la bibliothèque à double-tour. Un livre lui barra la route. Il la poussa dans l’allée. Elle reconnut « Mort sur le Nil » Autour de lui régnait une ambiance froide, glaciale même. Elle eut peur et s’enfuit plus loin.
C’est alors qu’elle fut incommodée par une forte odeur de transpiration et d’urine mêlée à celle de vêtements non lavés. A cette odeur nauséabonde se mélangeait un doux parfum qu’elle ne savait décrire. Elle reconnut Grenouille, le héros de Süskind Prise de panique, elle continua sa visite de peur de se faire trucider. Je crois qu’elle eut bon nez…
Ouf ! La voilà arrivée au rayon « Cuisine », plus « léger » que les autres rayons. Le livre de Maïté y tenait une bonne place, il parlait l’accent du sud-ouest et voulait lui faire goûter une anguille truffée de foie gras. Mais Alice n’avait pas faim. Plus loin, le livre de Jean-Pierre Coffe amusait la galerie avec ses vociférations : « Que de la merde ! Jetez-moi ça ! »… Alice aurait bien discuté avec lui mais elle avait tant d’autres rencontres à faire… Et puis elle commençait à avoir sommeil. En se cherchant un petit coin où dormir elle tomba sur le rayon humour, où tous les livres étaient morts de rire. Le livre à bretelles bleues et blanches lui tendait les bras tandis que le bon gros bouquin gris-bleu avec un nœud pap noir semblait coincé dans un rond-point… Peut-être pour échapper au percepteur ! Elle le suivit un moment mais le marchand de sable était passé. Elle s’assit au pied de ce livre puis s’endormit profondément. Elle était au pays des Merveilles. Elle se réveilla au petit jour.
C’est vrai que sa grand-mère avait raison… Les livres ont bien une âme. Mais elle n’eut pas le temps de philosopher davantage. La clef tourna deux fois dans la serrure. C’était la bibliothécaire qui était de retour. Vite, il fallait se cacher encore un moment puis elle s’en irait lorsque la bibliothécaire irait dans le coin cuisine se faire chauffer son café.
Jocelyne, Brindas
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Humanothèque
Il faisait presque nuit, en cet automne pluvieux, lorsque je poussai la porte de l’Humanothèque. C’était ma première visite. Elle m’avait été recommandée par un prêtre à qui j’avais confié ma solitude, mon angoisse et mon désespoir après le décès brutal de mon compagnon, Yvon.
Cela faisait maintenant plus de deux siècles que la science permettait à ceux qui le souhaitaient, d’enregistrer leur vie réelle ou imaginaire sur ce qui s’appelait désormais des livre-hommes, ces supports de mémorisation immersives afin de conserver une trace ou un témoignage de leur passage sur Terre et attester pour l’éternité de leur mince ou conséquente contribution à ce que devenait la planète. Les prêtres de toute religion s’étaient recyclés et étaient devenus les gardiens de ces temples mémoriels depuis que l’homme avait réussi à réaliser par lui-même la promesse divine de la vie éternelle.
Je fus accueillie dans le grand hall de marbre par le robot humanoticaire qui me demanda si je venais faire un dépôt ou une consultation, soulignant que si les consultations étaient ouvertes à tous et illimitées, les dépôts, eux, étaient irréversibles et non consultables par leur propre déposant. Je déclarai vouloir feuilleter la vie de Yvon, mon compagnon récemment décédé, celui dont j’avais partagé plus de trente ans de vie, avec qui j’avais conçu et élevé 3 jolis enfants.
– Yvon dont le métier était pilote de vaisseaux interstellaires me demanda mon interlocuteur ?
– Tout à fait. Cet homme était mon mari, en pointillé, si je puis dire, car ses missions au-delà du Système Solaire le tenaient souvent éloigné du foyer pendant des mois, parfois des années. J’aimerai revivre ce qu’il a vécu pendant son dernier voyage.
Le robot se tut et me demanda de le suivre jusqu’à une cabine au teintes psychédéliques, me mit un casque sur la tête, un joystick entre les mains, m’indiquant comment choisir une date et naviguer dans le temps, puis lancer, en appuyant sur le bouton central, l’immersion dans le cerveau d’Yvon à l’instant choisi, et de revivre la séquence exactement comme il avait vécu. Une fois la porte refermée, je m’assis, poussai la molette temporelle au hasard, de façon à me positionner quelques minutes avant la collision avec l’astéroïde qui avait détruit le vaisseau. Le temps que je devienne Yvon, je réalisai que j’avais tourné la molette en direction du futur et non pas du passé, ce qui est impossible quand on est dans le présent. Cela signifiait de toute évidence qu’en entrant dans la cabine, j’étais déjà dans le passé. Une seule explication à cela, je n’étais pas moi, mais quelqu’un qui consultait des souvenirs, des souvenirs déposés par l’épouse d’Yvon.
La lecture débuta. Maintenant, j’étais Yvon, totalement Yvon…
« Il fait presque nuit, en cet automne pluvieux, lorsque je pousse la porte de l’Humanothèque. C’est ma première visite. Elle m’a été recommandée par un prêtre à qui j’ai confié ma solitude, mon angoisse et mon désespoir après le décès brutal de ma compagne Monique dont j’aimerais revivre les dernier enregistrements, ceux de sa vie pendant ma dernière et longue absence .
Je suis accueillie dans le grand hall de marbre par le robot humanoticaire qui me demanda si je viens faire un dépôt ou une consultation, soulignant que si les consultations sont ouvertes à tous et illimitées, les dépôts, eux, sont irréversibles et non consultables par leur propre déposant.
Je déclare vouloir feuilleter la vie de Monique celle dont j’ai partagé plus de trente ans de vie, avec qui j’avais fait et élevé 3 jolis enfants, Monique qui est morte par désintégration. Je l’avais tuée sans réfléchir avec mon Laser alpha, après l’avoir surprise au lit avec notre voisin en rentrant de façon impromptue d’une mission qui s’est éternisée. Nous avions en effet dû nous poser en catastrophe sur une planète à un stade primitif de développement où il nous avait fallu plus de deux ans pour remettre en état le système de communication et de navigation de notre vaisseau percuté par un astéroïde… »
Philippe, Lyon 1er
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Micro-nouvelles sur l’automne en 10 mots, 5 phrases et 10 lignes
Quelle jolie saison qui jette à terre les feuilles mortes !
Ah ! Enfin l’automne ! De ses beaux fruits juteux
Je me régale, et des couleurs et des odeurs,
Et les mille feux du 8 décembre
Me réveillent et m’émoustillent.
Arrive belle saison ! Pourquoi te nommer arrière ?
Françoise de Caluire
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Arrière ! Saison ! Chut ! Vos feuilles tombent ! Mais les brouillards s’élèvent !
Sale temps pour les mouches !
Equinoxe sans équivoque équitable pour l’équitation
Morte saison, elle a mis mon cœur en jachère (plagiat de Georges Chelon)
Vent d’anges sur les vendanges
Qui va à la chasse perd sa place
Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été, paraît-il. Mais savez-vous que c’est un violent poison, qui peut être mortel, non seulement pour le bétail, mais aussi pour l’homme. L’intoxication par ingestion se manifeste par des troubles digestifs violents, des troubles sanguins et neurologiques.
Alors, oui, les feuilles d’automne tombent en tourbillonnant, les châtaignes se fendent sur nos pas, et blabla bla. Mais ces comptines à dormir debout, qui nous apprennent à apprécier les changements de saison, ça suffit ! Bonjour, la mélancolie !
Et les souvenirs se ramassent à la pelle, et le vent du Nord les emporte, et patati et patata.
Non mais vous avez rien d’autre pour nous flanquer le bourdon ?
Y a pas quelqu’un pour nous remettre le soleil là où il était ?
Jean-Yves, Montpellier
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Les feuilles mortes rouges et or s’entassent à ma porte.
L’été indien, pourquoi ce nom ?
L’été s’étire sur mon balcon.
Moi je vais ramasser les marrons.
Toi, tu préfères chanter des chansons.
Après tout, à quoi bon !
Voilà revenu le temps de l’automne, le temps des cartables, le temps qui change. LES temps qui changent. Autrefois, en septembre, on ressortait les plumiers et les tabliers pour la rentrée. Autrefois, septembre rimait aussi avec les habits d’automne tirés des cartons, la nature s’endormait doucement à la morte saison avec la tombée des feuilles, la neige recouvrait nos vallons d’un blanc manteau dès l’hiver venu, les arbres refleurissaient au printemps… Mais ça c’était avant… Et voilà qu’à présent le temps s’emballe et que bientôt ne subsisteront que deux saisons : l’été chaud et l’automne doux. La nature est déboussolée, les arbres refleurissent à n’importe quelle saison, finis les cycles réguliers. Où va-t-on ma brave dame ? Deux petits degrés supplémentaires pour l’homme mais un grand désastre pour l’Humanité.
Jocelyne, Brindas
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Trois nouvelles ( en plaçant le plus possible le son ique)
L’automne en Italie, c’est l’été qui se poursuit en italique
L’automne c’est un été périphérique/ Le soleil pique encore, mais les moustiques ont disparu/ Les feuillages, magnifiques, arborent au soleil couchant des couleurs brique/ Parfois, la pluie s’invite, le bleu abdique/ Les jours diminuent, les nuits s‘étirent, Noël arrive, c’est magique.
C’est l’automne. Comme poussé à coups de trique en direction du solstice, le jour quitte l’équinoxe, se rabougrit, fuyant le soleil sur l’écliptique. La nuit, elle, se sent unique, elle s’est habillée de noir et se prépare dans l’obscurité à son aura paroxystique quand sonnera le solstice cosmique. Passé l’Halloween gothique, elle allonge ses grasses matinées et s’aventure même, dès le changement d’heure, c’est logique, à s’offrir de bien grasses soirées. Puis vient le gel, critique pour la parure famélique des arbres qui s’étiolent sous les étoiles mirifiques. Les feuilles, nostalgiques du printemps, prennent au sol une couleur brique sur laquelle on croit deviner, à la lumière des lucioles, des sarabandes elfiques. La ronde cyclique des saisons enneigera bientôt un Noël agnostique.
Philippe, Lyon 1er